Les origines d'Angkor restent un mystère. Depuis le début de ce siècle, à force de recherches savantes, une chronologie a été reconstituée. Les temples sont datés et attribués à différents rois. Mais il reste nombre d'interrogations et de lacunes. Qui fut le pouvoir fondateur de cette civilisation, d'où venait-il, comment vivait le peuple ?

Il existe quelques textes chinois pour les périodes du Founan et du Chen-la puis plus rien entre le Xe et 1295, fin de la grande période angkorienne.
De nombreux voyageurs sont passés entre le XV et le XIX°, mais leurs écrits, pour la plupart, restent à découvrir.

Les premiers découvreurs d'Angkor

Tchéou Ta-Kouan (1296, époque de Marco Polo)

Tchéou TA-KOUAN, appelé aussi Zhou Daguan, était l'un des accompagnateurs d'une ambassade chinoise de la dynastie des Yuan. Il passa près d'une année au Cambodge et visita Angkor en 1296, à la fin de la période historiquement connue d'Angkor : nous ne savons rien des rois qui régnèrent trente et un ans plus tard, de 1327 à 1432, date de la prise d'Angkor par les Siamois.

 Son journal, intitulé "Mémoires sur les coutumes du Cambodge" qui attendra 1902 pour être correctement traduit (par Paul Pelliot), reste l'écrit fondamental et le plus riche pour la compréhension des us et coutumes de l'époque.

Divers missionnaires espagnols et portugais à partir de 1550

Diego do Couto : est l'auteur d'une précise description d'Angkor Vat écrite vers 1550 mais qui ne fut publiée qu'en 1958 !

Diégo de Couto parle d'une "ville dont on avait perdu même le souvenir" : Au cours d'une chasse à l'éléphant "dans les forêts les plus épaisses", les gens du roi, "battant la brousse, donnèrent sur des constructions importantes, envahies à l'intérieur par une brousse exubérante"... "Le roi, frappé d'admiration, décida sur-le-champ d'y transporter son cou".

Le Dominicain portugais Gaspar de Cruz séjourne au Cambodge en 1556.

Au XVII° un pèlerin japonais dessine le premier plan connu d'Angkor Vat. Ce plan sera découvert au Japon en 1911

Le père Charles-émile Bouillevaux (1823/1913)
Il vivait entre Bangkok et Battambang. Ce fut "Le premier touriste à Angkor". Ses descriptions, publiées en France en 1857, (Voyage en Indochine 1848-1856, L'Annam et le Cambodge) serviront à Henri Mouhot...

Henri Mouhot 
Naturaliste et explorateur français, en mission pour la British Royal Géographique Society, Mouhot fut le premier occidental à vanter auprès du grand public les merveilles d'Angkor (1861). Ses descriptions publiées en France dans le journal le "Tour du Monde" et la Bibliothèque Rose après sa mort au Laos firent sensation.



Adolf Bastian (1863)
Ethnographe allemand. Il fut le premier à associer le modèle architectural indien aux monuments d'Angkor.

Ernest Doudart de Lagrée et la mission du Mékong
Polytechnicien, marin, acteur principal du Protectorat de la France sur le Cambodge (1863) qui incluait alors la région d'Angkor. Quatre ans plus tard, alors qu'il était en mission d'exploration du haut Mékong avec Francis GARNIER , un traité secret franco-siamois cédait les provinces de Battambang et de Siemreap au Siam qui, en échange, abandonnait toute prétention sur le reste du Cambodge. Ces provinces seront retournées au Cambodge en 1907.

Sa première mission au Cambodge porta sur Angkor et les autres sites archéologiques On lui doit le premier plan précis des temples. La mission Doudart de Lagrée-Garnier (1866-1868) consistait à explorer le Haut-Mékong pour ouvrir une voie vers la Chine. Il mourut en 1868, au cours de cette mission, dans le Yunnan.

J. Moura
Moura a été le premier à tenter une reconstitution des lignées royales du Cambodge. Ses travaux sont encore incontournables.

Auguste Pavie (1847-1925)
Ancien sergent de l'infanterie coloniale, représentant du protectorat à Kampot (il resta 11 ans au Cambodge), il devint, en 1885, Vice-consul de Luang Prabang, puis Commissaire Général au Laos qu'il servit et aima profondément. Il rédigea ses mémoires et dix volumes sur ses missions en Indochine.

Pierre Loti (1850-1923), puis * Louis Delaporte (1873)
Dessinateur habile, compagnon de Doudart de Lagrée auquel il succéda comme chef de la mission du Mékong, il fut ensuite en charge d'une mission d'études sur les monuments khmers qu'il publia sous le titre "Voyage au Cambodge".

Ses envois de statues et d'estampages de gravures en France accélérant la connaissance d'Angkor. Il se démène beaucoup à Paris pour faire connaître l'art khmer.
Angkor Vat dessiné par Louis Delaporte. Avec Delaporte se termine l'ère des découvreurs, commence celle des touristes et des savants

Etienne Aymonier (1844-1929)
Marin et épigraphiste il fait le premier inventaire des monuments du Cambodge. Résident Général du Protectorat, auteur d'une étude en trois volumes sur le Cambodge qui donne pour la première fois les traductions des inscriptions trouvées sur le site. Lunet de la Jonquière, continuant le travail d'Aymonier, recense et numérote 910 monuments. 1899 : Fondation de l'École française d'Extrême-Orient qui créa en 1908 la Conservation d'Angkor.  

L'ECOLE FRANCAISE D'EXTREME-ORIENT ET LE CAMBODGE

(par François GROS , Directeur de l'École française d'Extrême-Orient)

Trop souvent peut-être on a identifié l’œuvre de l'École française d'Extrême-orient (EFEO) à la Conservation d'Angkor et le groupe d'Angkor au Cambodge tout entier. En fait, l'École exerce son activité en Asie bien au-delà de l'aire de culture khmère et celle-ci déborde largement le cadre de son ensemble monumental le plus prestigieux. Dans le temps,

I 'École apparut environ dix ans avant que fût instituée la con­servation d'Angkor par l'arrêté du) mars 1908 portant Jean Commaille à sa tête, mais dès l'origine, le périple de Louis Finot, premier directeur de l'École, et du Commandant Lunet de Lajonquière avait révélé l'ampleur d'une tâche qui n'allait plus cesser de susciter le travail passionné de généra­tions de savants français aux compétences les plus diverses. Pages glorieuses et érudites à la fois, teintées de pourpre comme il se doit pour une épopée: Commaille assassiné en 1916 sur la route de Siem Reap à Angkor Vat, l'architecte Trouvé disparu en 1935, George Groslier , créateur du Musée national du Cambodge à Phnom Penh, dans les mains de la gendarmerie japonaise en juin 1945. . . Son fils Bernard-Philippe ne se remit jamais du long exil imposé en 1972, tandis que son vieux compagnon Henri Marchal avait dès 1945 interrompu sa retraite après plus de trente ans sur le site pour y reprendre du service et y demeurer jusqu'à sa mort en 1970. Certaines de ces figures de proue sont évoquées dans ce numéro, mais le palmarès est éblouissant. Dès 1921, le bilan des vingt premières années d'activité de l'EFEO couvrait plus de cinq cents pages dans le tome XXI du Bulletin de l'École, auquel il faut renvoyer bien des spécialistes !

Les pionniers de l'archéologie khmère

Le trait le plus frappant de ce labeur collectif, c'est peut­être la diversité des disciplines mises en oeuvre pour dégager la personnalité propre de la culture cambodgienne. Avec la naissance de l'École paraît la première synthèse d'E. Aymonier, où s'accumulaient les résultats des premiers explorateurs, des premiers décrypteurs d'inscriptions, et des premiers inventeurs de monuments. On avait déjà compris l'importance de la géographie et de la cartographie à travers la mission Doudart de Lagrée et Francis Garnier, puis à travers les sept volumes de la mission Pavie, et la géographie historique aura tenu dans l'oeuvre de P. Pelliot ou H. Maspéro une place importante que leurs cadets P. Lévy ou M. Destombes ne renieront pas. Ce sont les Français qui ont, à la suite des Portugais, tracé la carte de l'Indochine avant d'y faire ressurgir les monuments et, après le nom de P. Gourou, celui de J. Delvert (dont la thèse sur Le paysan cambodgien fit date en 1961) symbolise l'étude de l'espace et de la société khmère contemporaine, étude qui rejoint l'archéologie au fur et à mesure que s'élargissent les perspec­tives et que s'affinent nos moyens d'investigation.

Pavie traversait l'Indochine à pied, en pirogue ou à dos d'éléphant. Dès 1933 l'aéronavale exécutait une couverture photographique d'Angkor et permettait une série d' explorations : villes anciennes, canalisations, douves, chaussées apparaissent, renforçant l'hypothèse de Goloubew sur l'emplacement de la première ville d'Angkor avec pour centre le Phnom Bakheng. Après la guerre, B.-Ph. Groslier put reprendre une prospection aérienne plus systématique, aidée par les couvertures photographiques de la Royal Air Force. Ce ne sont pas seulement les sites nouveaux qui apparaissent, mais les réseaux de digues et canaux qui, à la limite, haussent l'hydraulique à l'éminente dignité des pierres sculptées. Dès le début des années 1930, Georges Trouvé, inaugurant l'ère des prospections systématiques, soulignait l'importance du réseau hydraulique d'Angkor. En 1957-58, autour de Roluos, B. Ph. Groslier découvrait la première « cité hydraulique » du IXe siècle, tandis que les témoignages européens du XVIe siècle lui assuraient qu'une autre, du XIIe siècle, fonctionnait encore quelques siècles plus tard à Angkor Thom. Et pendant que, plus modestement, Gabrielle Martel explorait le monde rural cambodgien autour de Siem Reap, le conservateur pouvait rêver de l'archéologie d'un empire agricole: la cité hydraulique angkorienne. Aujourd'hui, ou demain, c'est avec la couverture du satellite SPOT que les chercheurs de l'EFEO pourront remettre en question ses hypothèses et donner à de telles recherches une dimension nouvelle.

L'étude du monde khmer

Autre appel aux disciplines voisines pour mieux connaître le monde khmer, la relecture par Paul Pelliot des sources chinoises nous valait dès 1902 une nouvelle traduction des Mémoires sur les Coutumes du Cambodge de Tcheou Ta-kouan, vivant tableau de la civilisation de la fin de l'époque angkorienne, comme plus tard, en 1947, Rolf Stein allait sur des textes chinois poser les principes d'une archéologie du Champa. Parallèlement, les sanscritistes Barth et Bergaigne avaient commencé l'édition et l'interprétation des Inscriptions sanscrites de Campâ et du Cambodge, et Louis Finot, dès 1902, inaugurait une série de Notes d'épigraphie indochinoise poursuivies jusqu'en 1915 et, sous des formes diverses, jusqu'à sa disparition. L'oeuvre de George Coedès débutée en 1904, menée sans relâche et continuée aujourd'hui par Claude Jacques, a permis de constituer le merveilleux corpus des Inscriptions du Cambodge, sur lequel s'élabore encore la recherche la plus fondamentale sur l'histoire dynastique et sociale du Cambodge.

On ne saurait toutefois oublier un autre apport indianiste, toujours dans le cadre de l'EFEO, et non moins essentiel à l'interprétation de la culture khmère, celui des sanscritistes qui, à l'invitation même de George Coedès, ont puisé dans les sources indiennes l'interprétation des documents khmers, tels K. Bhattacharya en quête des religions brâhmaniques dans le Cambodge ancien, ou S. Sahai qui en étudia les institutions. Des travaux plus spéculatifs sur l'hindouisation du Cambodge ont trouvé place sous la plume de Jean Filliozat ou d'autres sur la philologie bouddhique  sous la signature de Paul Mus, après celle d'Alfred Foucher. Mais les récents débats invitent à la prudence sur la signification symbolique des monuments malgré le choc illuminant des textes. Peut-être la culture âgamique du sanscritiste et la fréquentation du terrain cambodgien attendent-elles encore d'une génération plus jeune des efforts de synthèse plus mesurés.

La sauvegarde des monuments

par ailleurs, derrière l'abondance des textes se précise aujourd'hui une nouvelle quête archéologique sous-tendue par l'exploration toute récente de l'archéologie maritime et par l'exploitation systématique de la céramique :

le Cambodge se trouve ainsi impliqué dans le réseau d'une archéologie nouvelle, celle des échanges commerciaux qui réunissent à la péninsule indochinoise les îles indonésiennes dans un parfum d'hindouisation que conteste aujourd'hui la « régionalisation » des cultures d'Asie du Sud-Est. Là encore, l'EFEO s'est placée au premier rang, depuis les travaux de Malleret sur Oc-èo, aux origines de l'art du Fou-nan, jusqu'à l'intervention récente de P.- Y. Manguin autour des sites Srivijayens de Sumatra. C'est précisément la force institutionnelle de ce réseau scientifique qui maintient ainsi le Cambodge dans le flux des recherches actuelles, alors même qu'il est difficile d 'y oeuvrer sur le terrain. C'est aussi la tâche à laquelle se livrent ceux qui travaillent en France autour de l'EFEO sur les versions khmères du Râmâyana ou les inscriptions récentes, comme S. Pou, sur les Chroniques royales, comme Mak Phreun et Khin Sok, ou sur la littérature folklorique comme Solange Thierry.

Mais les monuments, direz-vous ? Ils ont reçu la meilleure place dès le départ et, en termes de budget, la plus importante. Aux origines, ce sont les inventaires, repris des missions pionnières et complétés systématiquement par Lunet de Lajonquière et Henri Parmentier. Si les premières listes et cartes sont établies très tôt, elles seront souvent complétées et révisées. Vers 1950, Henri MarchaI se targuait à propos du groupe d'Angkor de plus d'un millier de temples inventoriés et plus de 700 classés, mais à partir de 1960 un nouvel Atlas du pays d'Angkor est dressé et les plans détaillés de chaque grand site préludent à la publication d'une série d'Atlas monumentaux doublés d'une couverture photographique à laquelle sont attachés les noms de B.-Ph. Groslier et Luc Ionesco. C'est cet ensemble documentaire unique, soigneu­sement répertorié, et les « Journaux de fouilles », qui constituent aujourd'hui la base de toute étude sérieuse.

Mais les monuments, c'est aussi pour l'École, depuis 1907 et jusqu'en 1972, la lourde tâche de les préserver, tout comme elle assumait sa mission muséographique au Musée Albert Sarraut (devenu National en 1950 et passé en 1966 sous direction khmère) à Phnom Penh, comme à Battambang ou à la Conservation d'Angkor (près de 6.000 pièces de statuaire en 1960). Après plus de quinze ans d'un long geste de dégagements et de travaux de consolidation qui portèrent surtout sur le grand ensemble angkorien, Henri MarchaI en 1931 inaugure sur le joli temple de Banteay Srei la méthode de reconstruction à partir des matériaux anciens qui a reçu le nom d'anastylose. Perfectionnée par George Trouvé et Maurice Glaize, la méthode, affinée, s'est imposée et élargie du groupe d'Angkor à quelques autres monuments, notamment sous l'action d'Henri MarchaI, infatigable et omniprésent.

L'inventaire des multiples richesses

Dans les années 1960, la volonté de réorganiser l'action de l'École se résume sans doute par l'objectif de mieux connaître pour mieux protéger. Les inventaires monumentaux sont élargis aux abords pour restituer l'espace vital des monuments, les fouilles systématiques s'efforcent de dégager une stratigraphie générale et de guider la restaura­tion des ensembles. Angkor n'est pas privilégié et d'autres grandes cités khmères sont systématiquement dégagées. Parmi les résultats de ces fouilles, on insistera sur le nombre accru- doublé en fait - des bronzes et surtout sur l'apport essentiel de la céramique, une révélation dont l'exploitation (séquence continue du VIle au XIVe siècle, interférences entre la céramique khmère et la céramique chinoise) ne fait que commencer, mettant en cause toute l'Asie du Sud, des Philippines à Madagascar. . .

La mutation de la Conservation après 1960 ne se mesure pas seulement par l'ampleur d'un effort financier considérable et bilatéral. Celui-ci est certes spectaculaire: 150 ouvriers en 1959, plus de 1000 en 1970, et un équipement qui multiplie par 500 le potentiel de travail. Mais c'est la qualité scientifique de l'entreprise qui est frappante: effort pour élucider les processus d'altération des structures et des matériaux, étude des altérations des grès, laboratoire de restauration des céramiques, appel aux techniciens de Nancy pour soigner les bronzes et les fers, formation de restaurateurs par J. M. André, et de tailleur de pierre par un maître des compagnons de France. Cet effort méthodologique n’aura pas servi que le Cambodge ; la Thaïlande, le Laos, l’Indonésie ont bénéficié de l’expérience acquise et des techniciens les mieux entraînés. Mais la guerre devait interrompre cet effort et les mesures conservatoires prises à la hâte dans des conditions difficiles entre 1970 et 1972 n'ont pas empêché que certains travaux essentiels ne soient pas achevés. On se retourne alors vers ceux dont l'enseignement et les ouvrages assurent encore la mémoire vivante et la continuité de cet effort. Enseignant l'archéologie de l'Asie du Sud-est, Jean Boisselier, Madeleine Giteau, Bruno Dagens transmettent le flambeau reçu de l'École, tout comme nos architectes, Guy Nafilyan, Jacques Dumarçay, Pierre Pichard, etc. font revivre par leurs études et descriptions les monuments qu'ils ont étudiés, tandis que les bilans monumentaux, iconographiques, épigraphiques, etc. . . demeurent à la portée de tous pour nous aider à connaître, comprendre et aimer le Cambodge.

Une institution toujours présente

Au terme d'un bilan quasi séculaire et face à ce prodigieux héritage, on mesure, devant la tragédie de l'histoire, quelle dimension la présence d'une institution stable a pu ajouter à l'effort individuel de chercheurs passionnés. Ceux-ci ont eu bien souvent le tempérament et parfois l'humeur des véritables aventuriers, mais ce fut le mérite de l'École que d'assurer à leur action le privilège de la continuité et le sens d'une mission. Confronté à Ramèges, directeur d'un « Institut français » qui n'est autre que l'EFEO, le héros de la Voie royale, Claude Vannec, s'interrogeait: « Il agit comme un administrateur qui constitue des réserves : dans trente ans peut-être, etc. . . Dans trente ans, son Institut sera-t-il encore là, et les Français en Indochine ? » Dressant devant l'Institut Charles de Gaulle (Colloque André Malraux, novembre 1986) le tableau de l'engagement politique d'André Malraux en Indochine, Paul Isoart, professeur à la Faculté de Droit de Nice écrivait au terme du procès :« Alors, qui, en 1924, était dans le sens de l'histoire ? Ceux qui estimaient avoir le droit de remettre en circulation des oeuvres que la brousse menaçait et qui risquaient de rester à l'abandon de longues années encore » (Clara Malraux, Nos vingt ans, p.137). Ou ceux qui, comme Louis Finot, affirmaient « qu'une nation européenne qui prend possession d'un vieux sol historique est en quelque sorte comptable des souvenirs dont elle a la garde: elle a le devoir de les conserver et de les faire connaître. C'est une dette d'honneur qu'elle ne saurait répudier sans déchoir dans l'opinion de l'étranger et dans sa propre estime » (Rapport à l'Institut, dans Situation de l'Indochine (1897-1901), Hanoï, 1902, p. 105) - Répondant à sa propre question et à celle de Vannec, Isoart concluait: « Les Français ne sont plus en Indochine, mais l'École est toujours là. Son statut actuel lui a été donné par un décret du 14 décembre 1963, André Malraux était Ministre de la Culture ».

   

Anastylose : Selon Balanos, conservateur des Monuments de l'Acropole d'Athènes {cité par Maurice Glaize, dans son Guide aux Monuments du groupe d'Angkor), l'anastylose « consiste dans le rétablissement ou relèvement d'un monument avec ses propres matériaux et selon les méthodes de construction propres à chacun. L'anastylose s'autorise de l'emploi discret et justifié de matériaux neufs en remplacement de pierres manquantes sans lesquelles on ne pourrait replacer les éléments antiques ». Cette méthode est particulièrement indiquée dès lors qu'il s'agit, comme ici, de monuments faits de pierres simplement posées les unes sur les autres. En pratique, après le débroussaillement et la recherche de tous les blocs qui se sont effondrés, les pans de murs sont déposés, assise par assise, puis les blocs numérotés sont reposés sur une base affermie, en tentant de remettre à leur place tous les blocs qui ont été retrouvés dans les déblais. Le remontage effectif du monument est donc précédé d'une série de remontages partiels au sol, en étant guidé par la connaissance que l'on peut avoir des formes architecturales et des décors sculptés: le travail matériel et les études d 'histoire de l'art vont donc de pair. Toute interprétation, comme tout remplacement d'un bloc manquant par une pierre trop travaillée qui pourrait tromper sur l'authenticité, sont bannis. Cette technique fut utilisée au Cambodge pour la première fois en 1931, par Henri MarchaI, qui l'avait apprise à Java auprès des architectes néerlandais travaillant alors sur les monuments indonésiens; il utilisa pour la reconstruction du célèbre temple de Banteay Srei.

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