Découverte du plus vieux squelette d'Angkor sous les eaux du Baray occidental

 AKP/05

Découverte du plus vieux squelette d'Angkor sous les eaux du Baray occidental

 

 AKP Phnom Penh : 25 juin 2004

Le squelette relativement bien conservé d'un être humain mort il y a plus de deux mille ans vient d'être exhumé et sa sépulture dégagée du sol provisoirement asséché du Baray occidental, dans la région d'Angkor. Christophe Pottier, directeur de la mission archéologique sur l'aménagement du territoire cambodgien de l'Ecole française d'Extrême-Orient (Efeo), en collaboration avec l'autorité Apsara, est à l'origine de cette extraordinaire découverte, qu'il a présentée mardi lors d'une conférence de presse, a rapporté Cambodge Soir.

"L'ensemble des opérations conduites sur le site de Koh Ta Méas, dans l'enceinte même du Baray, permet d'ores et déjà de mettre en évidence sa valeur archéologique exceptionnelle pour la connaissance des premières installations humaines dans la région d'Angkor. Nos travaux démontrent en effet l'existence d'une occupation précoce de ce site, très antérieure aux installations angkoriennes et pré-angkoriennes. La datation précise de cette occupation primitive nécessitera des analyses complémentaires. A l'heure actuelle, on peut avancer comme première hypothèse que la période d'occupation de Koh Ta Méas a pu se situer durant le premier millénaire avant notre ère. Cela représenterait ainsi la plus ancienne occupation humaine attestée dans la région d'Angkor", détaille le chercheur français. De plus, si une seule tombe a été mise à jour, de nombreux indices indiquent qu'elle s'intègre dans une nécropole, ce qui permet d'envisager une occupation encore plus ancienne du site.

Pour aussi vieux qu'il soit, ce squelette n'est pas le plus ancien découvert au Cambodge. Le crâne de Samrong Sen, exhumé à la fin du XIXe siècle et dont un moulage est exposé au Musée national de Phnom Penh, date de 1 400 ans avant Jésus-Christ. Cette nouvelle découverte apporte cependant un élément crucial à la compréhension de l'historie de l'humanité dans cette région. Et si elle est à mettre au crédit de l'opiniâtreté d'une poignée d'archéologues, elle résulte aussi pour partie du hasard.

L'assèchement naturel du Baray n'intervient en effet que très rarement. A chaque fois qu'il s'est produit, les chercheurs n'ont jamais laissé passer l'occasion d'aller y voir de plus près. Dans les années 1930, Georges Trouvé, ancien directeur de la Conservation d'Angkor, y avait repéré des vestiges d’installations pré-angkoriennes (entre le VIIe et le IXe siècle). Il en avait également retiré une stèle portant les plus anciennes inscriptions jamais découvertes, datant de 713.

En 1998, Christophe Pottier avait déjà pu compléter les informations de Trouvé et dresser une cartographie des lieux. "Cette année, le niveau des eaux du Baray permettait une nouvelle exploration. A partir d'une étude sur le terrain et de vues aériennes traitées par informatique, nous avons choisi et délimité le promontoire du site du Koh Ta Méas de manière précise. Nous l'avons quadrillé et ratissé à la surface avant de procéder à des carottages. L'analyse de ces données nous a permis de choisir avec les archéologues d'Apsara trois emplacements de fouilles. Pour vous donner une idée, cette étude correspondait au total à une surface de 6 mètres carrés seulement sur les 40 000 m2 du site. De plus, le temps nous était compté car le niveau de l'eau commençait à remonter", explique Christophe Pottier. La courte durée des fouilles, l'étroitesse des sondages, et surtout le fait que les bâtisseurs d'Angkor avaient dû, pour construire le Baray, détruire des sites d'habitation et de cultes antérieurs, laissaient peu de chance d'effecteur une telle découverte, qui plus est en si bon état de conservation. Aujourd'hui, tout ne fait que commencer. Après avoir dormi plus de deux mille ans sous terre dont près de mille sous les eaux du Baray, l'inconnu(e) de Koh Ta Méas se retrouve entre les mains des scientifiques. Son crâne va faire l'objet d'études minutieuses tout comme ses os dans lesquels des traces d'ADN vont être recherchées. Un anthropologue du collège de France, spécialiste des boîtes crâniennes en Asie du Sud-Est, analysera ces restes des experts de Singapour compléteront les recherches. Dans quelques mois, le plus vieux résident de la région d'Angkor commencera à livrer ses secrets, dont son âge qui, grâce à une datation au Carbone 14, sera établi à cinquante ans près. —AKP
 

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