Seconde conférence intergouvernementale pour la sauvegarde et le développement durable d’Angkor

 

Déclaration de Paris les 14 et 15 novembre 2003

 

Nous, les représentants de l'Allemagne, de l'Australie, de la Belgique, du Cambodge, du Canada, de la Chine, de la République de Corée, du Danemark, de l'Egypte, de l'Espagne, des Etats-Unis d'Amérique, de la Fédération de Russie, de la France, de la Grèce, de la Hongrie, de l'Inde, de l'Indonésie, de l'Italie, du Japon, du Laos, du Luxembourg, de la Malaisie, du Mexique, de la Norvège, de la Nouvelle-Zélande, des Pays-Bas, des Philippines, de la Pologne, du Portugal, du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, du Sri Lanka, de la Suède, de la Suisse, de la Thaïlande, de la Tunisie, du Vietnam, de la Banque asiatique de Développement, de la Banque mondiale, de l'Organisation des Nations unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO), du Fonds monétaire international (FMI), du Centre international pour la Conservation et la Restauration des Biens culturels (ICCROM), du Conseil international des Musées (ICOM), du Conseil international des Monuments et des Sites (ICOMOS), de l'Organisation mondiale du Tourisme (OMT), du Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD), de l'Organisation des ministres de l'Education de l'Asie du Sud-Est et du Centre régional pour l'archéologie et les beaux-arts (SEAMEO/SPAFA), de l'Organisation des Nations unies pour l'Education, la Science et la Culture (UNESCO) et du World Monuments Fund, participant à la deuxième Conférence intergouvernementale pour la sauvegarde et le développement durable du site historique d'Angkor et de sa région, tenue à Paris les 14 et 15 novembre 2003, convenons de ce qui suit :

1. Nous rendons hommage à Sa Majesté Samdech Preah Norodom Sihanouk, Roi du Cambodge et Président d'honneur du Comité international de coordination pour Angkor, pour son engagement personnel en faveur de la sauvegarde et du développement du site et de sa région ;

2. Nous rendons hommage à l'action du gouvernement royal pour son implication soutenue dans ce programme ;

3. Nous reconnaissons que le mécanisme du Comité international de coordination pour la sauvegarde et le développement du site historique d'Angkor a permis de remplir les objectifs de la Déclaration de Tokyo (13 octobre 1993) avec succès. Nous remercions vivement la France et le Japon qui ont assumé la responsabilité de la co-présidence ainsi que l'UNESCO qui a assuré avec constance et grande efficacité le Secrétariat du CIC ;

4. Nous félicitons vivement les autorités cambodgiennes et, plus particulièrement l'Autorité APSARA, pour les efforts déployés ces dernières années en faveur de la sauvegarde et du développement d'Angkor. Nous les encourageons à renforcer les ressources humaines de l'Autorité APSARA ainsi que ses ressources financières, dans des délais les plus rapprochés possibles, par des mesures statutaires, juridiques et administratives appropriées, afin que cet établissement public puisse assumer pleinement son rôle de partenaire de la communauté internationale, de maître d'ouvrage permanent et, parfois, de maître d'œuvre des travaux à réaliser ;

5. Comme suite à la Déclaration de Tokyo du 13 octobre 1993, nous nous félicitons de la pluralité et de la qualité des actions qui ont été menées en faveur de la connaissance, de la sauvegarde et du développement du site éco-historique d'Angkor et exprimons notre profonde gratitude à l'égard des pays, des organisations et des institutions scientifiques qui ont contribué à la sauvegarde des monuments et à la préservation du site. Nous les invitons à accorder à la recherche archéologique, épigraphique et historique un intérêt accru et des moyens appropriés ;

6. Nous affirmons, de nouveau, notre volonté de poursuivre la coopération internationale dans le cadre du Comité International de coordination pour la sauvegarde et le développement du site d'Angkor en renforçant le rôle de l'Autorité APSARA au sein de ce mécanisme et en préservant l'approche intégrée et pluridisciplinaire du Comité ainsi que l'esprit de concertation qui caractérisent son activité ;

7. Nous invitons les pays, les organisations internationales et les institutions scientifiques qui ont contribué à la sauvegarde des monuments à participer à l'élaboration d'un document méthodologique sur l'éthique et la pratique de la conservation à Angkor (conservation, mise en valeur et développement), dont les principes doivent s'inspirer des "Recommandations" présentées pendant la présente Conférence par le groupe de travail ad hoc, des orientations pour un tourisme solidaire et durable, ainsi que du projet de Charte du Bayon, en cours de préparation par l'équipe gouvernementale japonaise pour la sauvegarde d'Angkor (J.S.A.) ;

8. Nous accueillons chaleureusement les nouveaux partenaires du Royaume du Cambodge et les invitons à harmoniser, dans le cadre du CIC, leurs propositions de projets en vue de la préservation du patrimoine, la protection de l'environnement et le respect des populations locales ;

9. Nous affirmons la nécessité d'orienter nos efforts dans une perspective de développement durable qui s'inscrive dans le cadre du suivi du Sommet de Johannesburg sur le Développement durable (septembre 2002), de la Déclaration du président Chirac et celle du Premier ministre Koizumi, prononcées à cette occasion ainsi que du discours du Millénaire du Secrétaire général des Nations unies ;

10. Nous reconnaissons qu'un tourisme éthique et durable peut, en outre, contribuer au dialogue entre les cultures et les civilisations, à la reconnaissance des valeurs de la diversité culturelle et au renforcement de la solidarité et de la paix ;

11. Dans cette optique, nous reconnaissons la nécessité de développer dans la zone de Siem Reap/Angkor, un tourisme éthique et durable qui puisse devenir un outil véritable de lutte contre la pauvreté. Nous soulignons l'importance d'associer les populations locales, dans cette zone et dans les environs du Tonlé Sap, à la promotion de cette politique, afin de mettre en valeur la diversité de leurs ressources culturelles tant matérielles qu'immatérielles, et leur faciliter l'accès d'une part à l'éducation et à la formation, d'autre part à l'emploi et à une vie culturelle enrichissante ;

12. Afin d'assurer le développement durable, nous recommandons que les projets de développement dans la province de Siem Reap/Angkor soient examinés dans tous leurs aspects, notamment économiques, sociaux et environnementaux, dans le cadre des réunions périodiques du CIC. Le Comité du Patrimoine mondial sera informé de la planification de ces projets, dans le respect des orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du Patrimoine mondial.

13. Nous rappelons le nécessaire transfert de savoir-faire entre les experts internationaux et leurs homologues cambodgiens et encourageons toutes les équipes internationales à contribuer à la promotion de la formation universitaire et de la recherche. De même, nous invitons l'Autorité APSARA à coordonner l'ensemble des initiatives qui seront prises dans le domaine de la formation sur le terrain.

14. Nous encourageons la mise en commun des connaissances et informations relatives à Angkor par un soutien actif et permanent au Centre international de documentation pour Angkor (APSARA/UNESCO) et appelons tous les intervenants à y déposer régulièrement les documents relatifs à leurs travaux passés et en cours ;

15. Nous nous félicitons de la mise en sécurité du site d'Angkor tant au niveau du déminage que de la lutte contre le pillage archéologique. Toutefois, nous lançons un appel solennel à toute la communauté internationale afin qu'un véritable réseau de solidarité universelle puisse se constituer également dans la prévention du pillage des autres sites du Royaume du Cambodge ;

16. Nous nous réjouissons de constater que le mécanisme de coopération internationale qui a fait ses preuves pour la connaissance, la conservation et le développement d'Angkor, site du Patrimoine mondial, serve de référence pour d'autres actions similaires à travers le monde. Nous veillerons à ce que ce mécanisme puisse continuer à renforcer les activités, les projets et les programmes cambodgiens mis en œuvre au service de la réconciliation nationale, de la cohésion sociale et de l'affirmation de l'identité culturelle.

17. Nous convenons de tenir une troisième conférence, en temps opportun, afin d'examiner les progrès réalisés et de débattre de la nécessité de nouvelles actions. Cette Conférence pourrait se tenir au Royaume du Cambodge./.

  

Altesse royale, et Madame la Ministre de la Culture du Cambodge,

Mesdames, Messieurs les Ministres et Chefs de Délégations

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

Mesdames et Messieurs,

Il me revient le privilège d'apporter le mot de la fin à ces deux journées de travail extrêmement denses et fécondes.

Je tiens à remercier les pays et organisations qui ont participé à cette grande Conférence sur la sauvegarde et le développement d'Angkor, avec un hommage particulier au gouvernement du Royaume du Cambodge dont la délégation est dirigée par son Altesse royale, la Princesse Norodom Buppha Devi, au gouvernement du Japon qui copréside avec la France, le Comité international de coordination, ainsi qu'à l'UNESCO, qui est profondément impliquée dans cette démarche.

Je félicite les intervenants pour la richesse et la qualité de leurs exposés. Ils ont permis de faire le point sur les travaux qui couvrent l'ensemble des aspects de ce formidable chantier.

Nous sommes aujourd'hui à mi-parcours de ce qu'on peut légitimement appeler une véritable renaissance.

Durant les dix années qui se sont écoulées, depuis la première Conférence intergouvernementale de Tokyo, une importante partie des joyaux de la civilisation khmère ont retrouvé leur splendeur passée.

La coopération exemplaire réalisée sous l'égide du Comité international de coordination pour la sauvegarde et le développement du site historique d'Angkor (CIC) a permis de rassembler les efforts de tous les pays et organisations représentés ici. Vous avez mis en œuvre votre savoir, votre savoir-faire et votre expérience pour sauvegarder ce patrimoine inestimable. Je salue notamment le travail remarquable du Secrétaire permanent du Comité international de coordination, M. Azedine Beschaouch.

Rendons hommage au Royaume du Cambodge qui, grâce à l'action de l'Autorité pour la Protection du Site et l'Aménagement de la Région d'Angkor (APSARA), a su piloter le programme des travaux avec une grande efficacité.

Je n'oublie pas les organisations internationales qui ont apporté leur précieux concours : l'UNESCO, bien sûr, avec ses équipes au Cambodge et en France, mais aussi le PNUD, la Banque mondiale, le FMI, Bureau international du travail ainsi que les organisations non gouvernementales. Comment, enfin, ne pas souligner la mission fondatrice et poursuivie, depuis un siècle, de l'Ecole française d'Extrême-Orient.

Dans le cadre d'une mission parlementaire, j'avais eu en 1996 l'occasion de constater sur place les premiers résultats des travaux de restauration repris après les terribles événements qui avaient meurtri le Cambodge. A mon retour, j'avais d'ailleurs effectué des démarches auprès du gouvernement français pour qu'il renforce son soutien à l'action des équipes remarquables qui travaillaient sur place. Et j'avais, à titre personnel, adhéré à l'Association des Amis d'Angkor. Mais, depuis cette date, le visage d'Angkor a changé en profondeur. Le site est désormais sauvegardé, déminé et, pour ses principaux monuments, largement restauré. Le pillage et le scandaleux trafic des biens culturels sont endigués.

Aujourd'hui, Angkor est à la fois un héritage précieux de la glorieuse civilisation khmère et une formidable chance pour le développement du Cambodge.

L'enjeu est aujourd'hui de développer dans la région de Siem Reap-Angkor un tourisme culturel maîtrisé et respectueux des sites, à travers la valorisation de ces lieux somptueux, mais aussi l'essor de tout un ensemble d'activités économiques : hôtellerie, restauration, artisanat, visites, loisirs…

Il s'agit également de moderniser et de développer les infrastructures dans la province de Siem Reap : eau, électricité, transports, port fluvial sur le Tonle Sap… Autant de transformations qui devront profiter à la population.

Angkor ne doit pas pour autant devenir une usine pour touristes pressés, un endroit dépouillé de son âme et livré à la seule logique marchande. Ainsi pourront être assurées les conditions d'un véritable développement durable, autrement dit, un développement qui préserve les ressources naturelles du pays et l'intégrité des trésors légués par son histoire.

Le chantier est vaste. Vous avez, par vos travaux, dessiné les grandes orientations de la prochaine décennie. Ce programme ambitieux est à la mesure de ce site exceptionnel, l'un des plus beaux du Patrimoine de l'humanité.

Ce projet exemplaire doit en même temps servir de modèle. Car d'autres pays démunis de par le monde ont hérité de merveilleux monuments sans pouvoir les restaurer, les entretenir et accueillir les visiteurs qui souhaiteraient les découvrir.

Le programme de sauvegarde et de mise en valeur d'Angkor et de sa région peut donc, par sa réussite, inspirer les actions que la communauté internationale engagera pour aider ces pays à valoriser leur patrimoine culturel afin d'en faire une source rayonnement et de développement. C'est dans cet esprit que s'inscrit la Déclaration de Paris que vous venez d'adopter.

Altesse royale,

Mesdames, Messieurs les Ministres et Chefs de Délégations,

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

Mesdames et Messieurs,

Les défis à relever sont à l'image de l'immensité et de la valeur inestimable des trésors d'Angkor. Mais votre détermination et la poursuite de votre engagement sont les clefs du succès. Je vous assure de la détermination de la France de poursuivre avec vous l'œuvre entreprise, dans un souci de bonne coordination et de transparence de chacun des acteurs.

C'est dans cet esprit et en vous remerciant de votre active participation que j'ai l'honneur de clôturer la deuxième Conférence intergouvernementale sur la sauvegarde et le développement durable d'Angkor./.

 

Retour au sommaire